L’avis du public
« Spectacle très maitrisé, tant sur le plan de la scénographie que de la danse. Par des moyens très simples, tu emmènes le spectateur dans un conte métaphysique dont il ressort, lui aussi transformé. Félicitations pour ton engagement, ta sensibilité et ton opiniâtreté. »
Hervé Bruhat, Paris, le 18 janvier 2019
« Spectacle très intéressant et magnifique performance jouant à la fois sur les effets d'optique et la magnificence du corps. Corinna Torregiani utilise sa technique pour le don de soi. Elle est à la fois mystérieuse, distante, sensuelle et bouleversante. »
Denis Royer, Paris, le 18 janvier 2019
« Le parti pris brut et le thème apparent m'ont renvoyé loin vers une des premières chorégraphies de Carlotta Ikeda sur la naissance….Le plus intéressant est qu'il laisse la place à des interprétations multiples et personnelles »
Daniel Motta, Paris, le 20 mars 2019
« C’était vraiment très beau dans cette lenteur suave et sensuelle qui nous emporte dans un monde onirique où tout est " calme beauté et volupté " comme le dirait Baudelaire. »
Daniel Msika, Paris, le 21 mars 2019
« Merci pour tant d émotion … Le travail au sol. Était ce animal ou une forme de conscience ? Quelque chose qui naît ou qui se bat pour naitre ? La vie? …Bref c’était fort. »
Victor Sainte-Luce, Paris, le 17 novembre 2018
« C’était vraiment une belle performance : de la beauté, de la créativité, de l’originalité. Cela m’a fait une naissance ou renaissance ».
Aude Morel, Paris, le 18 janvier 2019
« Un spectacle très émouvant…une merveille. Personnellement, ca m’a fait réaliser à quel point je connais peu mon corps. Merci…. A la fin nous ne voulions pas applaudir par crainte d’interrompre ce moment magique dont vous nous avez fait don….une œuvre majestueuse. »
Patrizia Modica, Trapani (Italie), le 14 décembre 2019
«Au début, j’ai associé la musique à Belphégor, le fantôme du Louvre…et cela m’a un peu inquiété… Puis, au fur et à mesure, j’ai lâché prise et j’ai participé à la naissance de la protagoniste et à la mienne. Puis a suivi l’émergence de plusieurs émotions… faites de gestes, regards et mouvements du corps. Cela m’a fait déduire que la communication ne se fait pas qu’avec les mots. »
Eleonora Bonanno, Trapani (Italie), le 15 décembre 2019
De l’écriture à l’universel (Jean-Marie Gourreau)
Imaginez-vous un jour vous trouver dans la nuit au pied d'un mur éclairé par la lune et couvert sur toute sa surface d'une écriture non déchiffrable qui vous est, bien sûr, totalement inconnue. Imaginez que, tout d'un coup, certains de ces "hiéroglyphes" se mettent à bouger. Imperceptiblement tout d'abord, de manière plus tangible par la suite, de telle sorte que ces lettres entament une danse au son d'une musique intemporelle pour faire apparaître en relief sur le mur, des formes machiavéliques, qui bossellent et défigurent par instants leur support avant de se révéler issues d'un être fantomatique, lequel, peu à peu, s'en détache pour s'avancer vers vous... Une peur-panique peut alors vous étreindre ou, votre curiosité champollionnienne prenant le dessus, vous resterez coi sur place, immobile, en attendant la suite des évènements... Imaginez que cet être hallucinatoire, abandonnant petit à petit ses masques superposés, son étole et son linceul, se révèle être une jeune et belle femme qui s'avance lentement jusqu'à vos pieds, tout en se parant de flammèches dansantes blanches, lesquelles la lèchent voluptueusement, levant une partie du mystère dont elle est auréolée... Il s'agit bien, en fait, d'un être de chair et d'os tout comme nous mêmes...
Titulaire d'une maîtrise en danse-thérapie de l’Université Paris-Descartes, Corinna Torregiani aime se parer, dans ses solos, d'images et de sons avant d'enlever son masque, de se dévoiler, de mettre à nu sa personnalité. Cette jeune artiste italienne, adepte de butô, s'est formée à cette discipline dans son pays natal avec Alessandro Pintus avant de travailler, en France, avec Masaki Iwana et Juju Alishina. Elle complète sa formation chorégraphique en danse-contact avec Isabelle Brunaud au Carreau du Temple à Paris. Son travail avec les polyhandicapés lui offre en outre une vision différente du mouvement, un mouvement qui sort des codes habituels et qui ouvre la voie à un geste poétique et authentique, amenant le danseur à se défaire du masque dont nous sommes tous peu ou prou émaillés…
Eliminer le masque pour dépasser les angoisses qui nous étreignent : voilà le maître mot de ce spectacle. Nous sommes tous affublés de plusieurs masques. Le premier est celui de l’identité sociale, celui que l’on adopte pour vivre, celui dont on est conscient et qui nous protège. Le deuxième, une sorte de seconde peau qui ,une fois mise à nu, expose sa fragilité. Quant au troisième, on n’en est pas toujours conscient mais il est là, bien présent, celui, interne, qui recueille et qui cache nos plus petits secrets. Le premier de ces masques nous habille comme les lettres d’un alphabet mais il n’est pas toujours aisément déchiffrable. Le second laisse entrevoir ou dévoile l’être de chair que nous sommes. Le troisième circule sous forme moléculaire dans notre corps, tout comme l’influx nerveux, les cellules de notre sang ou celles de nos autres organes, en l’occurrence celles du rein dans ce spectacle. Ce sont elles qui, à l'image des flammes léchant l'interprète dépouillée, la parent d’une lumière chaude et chaleureuse, lumière qui lui permet d'établir un dialogue "autre" avec le public, « portant en scène le processus de mise en danger qui caractérise le travail de danse-thérapie », apanage de l’art de la chorégraphe. Cosmos Reloaded, spectacle sur les modes de communication sensorielle avec l’Autre, allie donc une danse inspirée du butô et un travail de danse-thérapie. Il est ici accompagné par une musique de guitare électrique du compositeur acousmaticien Michel Titin-Schnaider dans laquelle les sons, sous-tendus par les notions de lenteur et de retour au point de départ, ont été travaillés de manière électro-acoustique en studio : elle s’avère ici en parfaite concordance avec ce type de travail corporel.
J.M. Gourreau
La treppe des Elfes
Face au mur … Faire face à un mur de lettres Face au mur des lettre d’un alphabet imaginaire … Les mots qui, peut être eussent existé, mais … Bien avant la naissance des pères et des mères … Avant Babel … Avant que les sables ne mangent les steppes, avant que les faluns ne fossilisent l’océan. Stratifier l’eau céans, c’est cela … Ce à quoi l’on est confronté dès que le son s’élance avec la lumière … Mur de reliefs, mur de sons mêlés de lettres qui dansent … Puis une lettrine qui tourne sur elle même, une lettrine au visage absent, un masque blanc, sans aucune empreinte ni emprunte, s’exhale du mur … Il en échoit un personnage d’une fascinante singularité, sorte d’homuncule qui bouge et avance lentement, à la taille semi-humaine, avec son étole blanche parée de signes inconnus. Cette petitesse loin de sembler fragile est plutôt impressionnante … d’une « inquiétante étrangeté » Les mouvements sont autres, autres temps, autres terres, cela évoque les exoplanètes, les lointaines galaxies… Personnage qui semble flotter dans l’espace, comme une méduse de signes, irrupté d’une zone d’indicibles crépuscules et semble poser de menaçantes questions, à la fois importantes et urgentes … Puis il s’évade, feint d’abandonner le combat … il finit, acculé aux lettres, par renverser son visage … Visage inversé, visage originel, le coeur véritable mais qui erre … Et, quand l’être se dépouille enfin de sa chasuble, il n’y a plus rien qu’une bizarre transparence, l’évocation d’un corps, une forme diaphane au contour imprécis … Alors naît la danse … Du moins une possible danse. Une évolution dansée … Toujours au sol, une reptation chorégraphique, l’émergence d’un mouvement, la naissance d’une émotion … Toujours, avancer reculer, les félins procèdent ainsi … Une femme éclôt de cet organisme, impensable résolution, accouchement impensable … Un corps qui très vite se nimbe de marques, de signes, sorte de tourbillon coloré de macules et de traces Comme enfantant à son tour une sorte d’alphabet muet, chimérique, enlié à l’épaisseur de la chair même … Une danse, à ce point, vient nous chercher et nous entraîne loin, au profond du territoire des mots. Danse ravinée par les sons d’une musique impalpable mais tout à la fois souple et solide, muant l’air, nuant et muant l’espace et le temps … Y a t-il un futur antérieur ? … Un pas de sens, un seuil, pas sage de vie, le corps s’hérisse t-il de mots quand il naît ? … Le sexe a t-il un visage de femme ? … Un visage d’où naît tout possible avec la source même de toute chose, de toute langue, de tout langage … Évocation des vents, des sables, des embruns diluant faluns et lumachelles en myriades d’étoiles dont les rais restent entés à nos yeux incrédules quand disparaissent les lumières et que meurt le son …
Claude Parle